Mettre un cadre et des limites, c'est donner de la sécurité et montrer son amour

Un enfant qui n'a pas de cadre, pas de limite, à qui on laisse tout décider comme un adulte ("tu ne veux pas aller chez la nounou, ok, je te garde avec moi à la maison", "tu veux tel ou tel jouet, ok, je te l'achète", "tu ne veux pas dormir, ok, viens sur le canapé avec nous toute la soirée"...etc) est un enfant qui va se sentir en insécurité affective. Plus tard, cette insécurité ancrée en lui, va le pousser à aller rechercher des limites de plus en plus loin, jusqu'à se mettre en danger.

 

Dans le ventre de sa maman, la poche dans laquelle il baigne dans le liquide amniotique est sa limite et son espace de sécurité. Après la naissance, les bras de son parent, son petit lit, son parc ou son tapis d'éveil, sont à nouveau son cadre et son espace de sécurité. Ce sont ses parents qui mettent en place tout cela, par amour pour leur enfant.

 

Quand il commence à marcher, le monde tout autour de lui représente un danger, le vide, l'inconnu, l'insécurité. Les parents vont sécuriser l'espace tout autour de lui pour limiter les dangers au maximum et lui poser des limites (ne pas aller dans la cuisine, ne pas ouvrir le tiroir des couverts, ne pas escalader la table...). C'est par amour et pour sa sécurité que les limites sont imposées.

 

Plus tard encore, alors que son cerveau est en pleine construction, l'enfant se tourne de plus en plus vers l'extérieur, est accueilli chez une assistante maternelle ou dans une crèche, va à l'école... Il agrandit son espace de sécurité et il a besoin qu'autour de lui, des règles soient claires, sécurisantes et lui permettent de grandir sereinement. Si tout est permis autour de lui et qu'on lui donne les pleins pouvoirs de décision comme s'il était un adulte, alors la charge de stress et le poids sur ses petites épaules seront très lourds à porter. Il se sentira inconsciemment lâché par l'adulte qui le laisse prendre seul ses décisions. Il se sentira en grande insécurité, comme si on l'avait placé, sans bouée de sauvetage, sur un voilier, toutes voiles dehors, en pleine mer, sans lui avoir appris les règles de navigation. Et où est l'amour de son parent si celui-ci le laisse prendre seul ses décisions au risque qu'elles soient mauvaises pour lui ? L'enfant ressent inconsciemment l'abandon de son parent et un manque d'amour, même si le parent est persuadé de montrer plus d'amour en laissant l'enfant plus autonome. Le parent, en toute bonne foi, pense bien faire en laissant l'enfant décider de tout ce qui est bon pour lui alors que l'enfant n'a aucune idée de ce qui est bon et de ce qui est nocif pour lui et pour sa construction physique et psychologique.

 

L'enfant de moins de 4 ans et le besoin de toucher à tout

 

L'enfant a besoin de toucher pour intégrer l'information, même si c'est un interdit.

Si l'enfant touche la terre d'une plante verte et qu'on lui dit "Non, ne touche pas la terre", il risque de répondre "Non" et de recommencer à toucher la terre pour comprendre que c'est interdit...

 

Un tout-petit touche à tout parce qu'il n'a pas conscience du danger et il a aussi besoin de toucher pour comprendre les limites de l'adulte. Elles semble évidentes et limpides pour l'adulte mais elles ne le sont pas pour l'enfant.

 

Les règles ne sont que des mots dont il peut ne pas comprendre le sens. Lorsque l'adulte dit "NON" pour ne pas que l'enfant touche la terre, c'est "NON" à quoi ? Le mot "STOP" est moins ambigu. Il est souvent accompagné d'un mouvement réflexe de la main et du corps.

 

Dans son livre "J'ai tout essayé", Isabelle Filliozat nous explique qu'il est préférable de dire "STOP" plutôt que "NON" à un jeune enfant pour faciliter son apprentissage. En effet, le "NON" est souvent énoncé sur un ton de reproche, avec une attitude qui amplifie l'émergence d'émotions désagréables engendrant du stress qui ralentit ou bloque l'apprentissage. Un "STOP" est préférable car il est impératif et non blâmant.

 

Avant trois ans, la règle imposée à l'enfant ne peut être conceptualisé, le cerveau gauche est encore en construction et elle ne peut être retenue du premier coup. La mémoire utilisée est la mémoire implicite. La règle n'étant pas mémorisée, il faut la répéter.

 

L'enfant de moins de trois ans n'a pas la capacité d'inhiber ses gestes. Un geste est une action volontaire contrôlée par le cerveau du haut, encore en chantier. C'est pour cela que l'enfant a besoin de faire le geste interdit pour intégrer la consigne verbale grâce à son corps. Il doit intégrer le geste pour ensuite intégrer la notion "interdit".

 

Quand l'adulte dit "ne mets pas ce jouet dans la bouche", l'enfant entend "blablabla jouet dans la bouche", la négation renvoie à l'image mentale de l'action. Utiliser des formulations affirmatives est donc plus efficace : "poses ce jouet s'il te plaît" "retires ce jouet de ta bouche".

 

En outre, l'enfant est enclin à expérimenter et explorer ses nouvelles compétences, encore et encore pour pouvoir les assimiler complètement. Quand il apprend de nouveaux mouvements, il les répète. C'est typique du bébé qui lâche immédiatement son hochet hors de la poussette et oblige l'adulte à le ramasser perpétuellement. En réalité il dit "regarde-moi, je sais faire une nouvelle chose".

 

Même si on donne une consigne un jour, l'enfant oubliera la consigne le lendemain. Il ne s'en souviendra que lorsque l'adulte lui redira. Ce n'est qu'à partir de 4 ans que l'enfant pourra se sentir coupable et honteux par rapport à une action, parce qu'il pourra alors la considérer comme une bêtise. Il aura intériorisé l'image mentale de l'adulte mécontent avant l'action et le lien de cause à effet.

 

Avant ses 4 ans, c'est la peur qui le fera stopper son action. La peur, provoquée par un cri qui est une émotion forte, va lui déclencher une décharge de cortisol, l'hormone du stress et le plonger dans un état de sidération. Il va s'arrêter mais n'aura pas compris pourquoi il ne doit pas faire cette action.

 

Comment bien réagir face aux bêtises.

Dans sa quête d'exploration, l'enfant de moins de 4 ans est dans l'action. Il apprend en testant les limites et ne comprend pas les interdictions orales. Durant cette période, privilégier le "STOP" et diriger son besoin de s'exercer est la meilleure attitude. En cas de bêtise, le mieux est de garder son calme, prendre du recul et se rappeler qu'il ne s'agit pas d'un caprice mais d'un réel besoin de l'enfant.

 

Un exemple :

 

Un enfant vide toutes les caisses de jouets sur le sol. La phrase "pourquoi as-tu fait ça ?" "Remets tout à sa place" sera inefficace. Préférer la phrase "ça a dû te demander de l'énergie de vider toutes les caisses. Comment faire pour que les jouets reviennent dans les caisses ?"

Plutôt que "qu'est-ce que tu as fait ?", préférer "je vois que tous les jouets sont sur le sol".

L'enfant ne saurait pas expliquer pourquoi il a fait ça mais l'adulte, en reprenant son calme, sera en capacité de comprendre : "il a eu besoin de faire ses propres expériences, d'exercer sa force et sa motricité".

L'idéal est de réfléchir à ce que l'on veut atteindre avec l'enfant et à la manière la plus rapide, simple et efficace d'y arriver : "qu'est-ce que j'attends de lui, que les jouets soient rangés", "je vais lui proposer un jeu".

Lui proposer de remettre les jouets dans les caisses lui permettra, de la même façon, d'exercer sa motricité et l'adulte obtiendra plus rapidement ce qu'il souhaite, sans brusquer l'enfant.

 

 La préadolescence du tout-petit ou la période du "Non" :

 

La période du NON est une phase très importante de la construction de soi. Tous les enfants passent par là. Entre 18 et 24 mois, l'enfant est dans la période d'opposition. En peu de temps, il a  acquis beaucoup de nouvelles compétences et il est frustré quand il n'arrive pas à faire quelque chose. Il est confronté à ses propres limites.

Ses pensées vont plus vite que ses compétences en langage. Il s'exprime donc avec ce qu'il maîtrise, c'est à dire son corps, par des morsures, des pleurs, des coups ou des cris.

L'enfant prend conscience qu'il est une personne à part entière, avec son propre corps et sa propre volonté. 

L'enfant ne veut plus être un objet ou un bébé, mais veut grandir. Il veut devenir un sujet.

Il n'a pas besoin de s'opposer, mais de se différencier. Il va tenter d'autant plus avec les personnes avec qui il ose être lui-même, ses figures d'attachement.

 

L'importance des routines

 

L'être humain a besoin de routines, de rituels, qui lui montrent qu'il a sa place dans le monde et qu'il peut agir sur les choses.

Cette routine est d'autant plus nécessaire lorsqu'il s'agit d'un jeune enfant. En effet, les routines vont l'aider à mettre de l'ordre dans sa tête, à comprendre comment marche le monde et à donner du sens à ses perceptions.

Maria Montessori a défini l'ordre comme une période sensible. Il s'agit d'une phase par laquelle l'enfant passe au cours de son développement. La période sensible de l'ordre débute au cours de la première année de vie de l'enfant.

Lorsque le rituel n'est pas respecté, c'est un déluge d'hormones dans le cerveau du jeune enfant. En changeant ses habitudes, nous perturbons tous ses repères. L'enfant a besoin que le monde extérieur se conforme au monde intérieur qu'il se construit, sinon c'est le chaos.

Offrir un cadre, c'est donner des repères à l'enfant, et ainsi lui laisser la possibilité de se créer ses propres rituels. A contrario, donner des ordres va à l'encontre de son autonomie. Cette solution ne permet pas à l'enfant de se construire tout seul et risque au contraire de provoquer crises et frustrations.

 

Comment transformer des ordres en consignes :

 

- Installer des associations et des images mentales simples (dehors = manteau, pluie=bottes, casquette=soleil) : transformer "mets ta casquette" en "regardes, il y a beaucoup de soleil dehors, quand il y a du soleil, qu'est-ce qu'on met ?"

- poser des questions, pousser l'enfant à réfléchir et à établir des connexions entre les actions.

- donner des informations simples et concises, sans rentrer dans de longues explications,

- offrir des choix où il pourra s'affirmer en disant "je", ("tu veux une compote de cerise ou de fraise")

- lui donner la possibilité de décider des petites choses tout en restant dans notre cadre (tu préfères les chaussures d'été noires ou les chaussures d'été bleues ?", "c'est l'heure de rentrer à la maison, combien de descente de toboggan veux-tu encore faire ? une, deux ou trois ?"

 

L'affirmation de soi :

Ne pas pouvoir faire les choses alors qu'il en est capable est une expérience très frustrante pour l'enfant, cela l'empêche de grandir.

L'enfant prend peu à peu conscience de son potentiel alors que l'adulte a tendance à ne voir que ce qu'il ne sait pas encore faire et est tenté de faire à sa place. Mais c'est une erreur, tout en restant dans le cadre sécurisant que l'on a mis en place, il est bon de laisser faire l'enfant.

On peut, par exemple, lui confier des tâches simples et lui proposer des objets qu'il peut facilement manipuler (mettre les cuillères sur la table, porter le sac de jouets de sable, porter le goûter dans son sac à dos...).

Toute activité est possible à réaliser si elle a été pensée en amont et si on croit en les capacités de l'enfant. Ce n'est pas grave si c'est plus long, ou que le résultat n'est pas parfait. L'important est de faire faire à l'enfant.

On peut laisser l'enfant s'habiller tout seul. C'est un beau défi pour les tout petits. Il travaillera ainsi sa coordination main-oeil, sa dextérité, apprendra à se concentrer et à persévérer jusqu'à y arriver. Ce n'est pas tant le résultat le plus important, mais le chemin parcouru pour parvenir à ce résultat.

En fin de compte, l'enfant s'oppose plus souvent à la manière dont on lui impose nos choix qu'à la règle en elle-même. "Je sais qu'il faut mettre mon pantalon pour aller dehors, mais laisse-moi faire comme je veux et mettre mes chaussettes avant mon pantalon.

Il est important de noter que pour que la responsabilisation d'un enfant se passe bien, il est important que l'enfant ne soit pas stressé par les attentes de l'adulte. Mais il faut qu'il sache clairement ce qui est négociable et ce qui ne l'est pas "il est interdit de manger sur le canapé mais j'accepte que tu manges le poulet avec les doigts quand tu es à table". De plus, il faut que les règles tiennent dans le temps. Ce qui est interdit un jour, doit l'être aussi le lendemain : aujourd'hui "tu n'as pas le droit de manger sur le canapé", demain "je veux bien que tu manges sur le canapé", après-demain, "tu n'as pas le droit de manger sur le canapé". Dans des consignes et règles contradictoires, l'enfant est perdu. Les consignes doivent également être les mêmes pour tous les membres de la famille. Les deux parents et l'entourage, les papis et mamies, la nounou, doivent aller dans le même sens.

 

 

Un enfant de moins de six ans n'est pas capable de répondre de ses actes :

 

Après une longue période de "moi tout seul" au cours de laquelle l'enfant a appris à mieux se connaître et se différencier, il est maintenant prêt pour les échanges, le partage et la socialisation.

Le premier pas dans la socialisation est l'apprentissage des règles.

Quand on demande à un tout petit "pourquoi tu as fait ça ?", il ne saura pas forcément pourquoi il l'a fait, ni comment l'expliquer, ni pourquoi il ne faut pas le faire. Il risque de culpabiliser et de ne pas mieux faire la prochaine fois.

La question force l'enfant à se justifier et à rendre des comptes. Il se sent jugé et incompris.

Le rôle de l'adulte est donc d'accompagner l'enfant à comprendre ses actes, verbaliser ce qu'il ressent et fixer et rappeler les règles qui doivent être immuables.

Les pourquoi peuvent être remplacés par "qu'est-ce qui t'a poussé à faire cela ? Comment as-tu eu l'idée de faire cela ? Est-ce que l'idée t'es venue tout seul ?

Le rôle de l'adulte est de porter un grand intérêt à l'enfant, à son monde, de le laisser penser par lui-même, de tenter de trouver des solutions avec lui. L'important est de rester factuel, sans jugement, et de l'aider à raisonner.

Un enfant de trois ans possède les compétences suffisantes pour expliquer ce qu'il a fait mais il va aller chercher dans ses émotions la justification de ses actes "j'ai dessiné avec les feutres sur la tapisserie parce qu'elle est triste la tapisserie, elle est blanche, sans couleur..."

 

L'enfant ne respecte pas toujours les règles établies, pourquoi ?

 

Le cerveau droit reste prédominant chez l'enfant. C'est le siège de la créativité, de l'imagination ainsi que des pensées et des émotions.

Les courses au supermarché, par exemple, peuvent s'avérer très compliquées. C'est une activité longue et où l'univers est propice à la surexcitation : lumière, bruits, tentations à toucher. C'est une grande source de stress pour l'enfant. Et quand on stresse, on laisse plus de place au cerveau droit.

Certaines enseignes développent un créneau pour les gens souffrant de troubles autistiques pendant une heure par jour, sans musique et avec des lumières diminuées.

 

C'est pas moi !

 

Le jeune enfant n'a pas encore conscience de son corps. Le schéma corporel renvoie à un concept conscient, donc dans le cerveau gauche. L'enfant de moins de 4 ans n'a pas pleinement conscience de son schéma corporel entier. On s'en rend compte en observant un enfant jouer à cache. Il perd à tous les coups car il n'a pas  conscience de tout son corps. Par exemple, il va cacher seulement son visage en pensant se cacher entièrement.

Si vous surprenez votre enfant de 4 ans, seul dans la pièce, un feutre à la main et son tee shirt blanc couvert de gribouillis. Il peut vous répondre "c'est pas moi" à la question "qui a fait ça". Pour lui, c'est sa main qui a dessiné. Il ne cherche pas d'excuse. En fait, il ne distingue pas encore le comportement intentionnel et accidentel. Quand il répond "c'est pas moi", pour lui, c'est la vérité, ce n'est pas lui. C'est sa main qui a fait l'action. Sa main n'est pas une partie intégrante de son tout. Il ne peut se rendre compte que du résultat visible de ses actions. Ne faisant pas le lien entre ses actes et le résultat, l'enfant ne voit le problème qu'au travers du regard de l'adulte.

Le rôle de l'adulte sera d'aider l'enfant à intégrer les différentes parties de son corps et à prendre conscience de son tout. "Ta main a dessiné sur le tee shirt. Elle a envie de s'exercer au coloriage. Elle ne sait pas ce qu'elle peut faire et ce qu'elle ne peut pas faire. Ce serait une bonne idée que tu la surveilles pour qu'elle ne colorie que le papier".

Si l'enfant fait une bêtise, c'est aussi parfois parce que son environnement n'est pas adapté à sa taille. Prendre du recul sur la situation et demander à l'enfant de réparer les dégâts. L'adulte peut l'aider à réparer les dégâts.